samedi 20 mars 2010

Routine

ELLE
Debout, nu au milieu de la pièce, il cherche quelque chose. Ses cheveux dégoulinent. Les gouttes glissent le long de sa colonne. Ah, il a trouvé. Ses chaussettes. Il les enfile. C’est ignoble, pourquoi ne met-il pas d’abord un slip ? Il plie sa jambe et j’aperçois son machin pendre au milieu. La gauche puis la droite. Voilà. Il est à présent nu en chaussettes noires. De dos, face à l’armoire, les fesses légèrement serrées, il doit se demander quelle culotte mettre. Avant, cela aurait pu m’exciter. Je me serais levée, aurais ôté mon t-shirt et doucement j’aurais collé ma poitrine puis mes hanches à sa peau humide. Nous aurions fait l’amour, lui propre et mouillée, moi encore collante de nuit. Cela aurait été bon, je crois. Aujourd’hui je remonte un peu plus la couette, à l’orée de la bouche, fais en sorte que rien ne dépasse, pas même un orteil. On ne sait jamais, cela pourrait lui donner des idées.
LUI
Elle m’observe. Guette le moindre faux mouvement. Elle est bien, là, lovée dans sa transpiration. Où sont mes chaussettes ? Fait-elle en sorte de les cacher pour me voir les chercher. Elle aimerait que je lui demande. Elle pourrait alors me blâmer. Me reprocher de ne pas savoir chercher, de ne pas savoir laver, de ne pas savoir plier. Mais non. Elle me dégoûte à traîner ainsi au lit. Je croise son regard que j’évite avant même de tomber dedans. Je ne peux plus rester dans ses yeux. Elle a vieilli. Elle s’est ternie. Avant, c’était au réveil que sa beauté me frappait. L’éclat de ses yeux, sa bouche encore entre ouverte, ses muscles souples du sommeil. J’avais envie d’elle, toujours. Aujourd’hui, je prie pour ne pas sentir les signes de son désir. Je les avorte avant même qu’ils ne pointent leur nez. Elle va attendre que je quitte la chambre pour se lever et enfiler son vieux short informe. Pour ne pas que je la vois nue. Que je détaille les changements. Contrairement à d’autres, les années ne se sont pas accrochées sur ses cuisses et ses fesses. Non. Elles ont saccagé sa douceur, piétiné sa tendresse et rogné sa grâce. Les années l’ont rendue commune.

2 commentaires: